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TEXTES ET RESSOURCES

Le deuil, un besoin?

Par Anne Brissette,  15 mai 2015

Deuil et pertes provoquent colère, tristesse, désespoir et ressentiment, ces émotions que nous détestons ressentir. Et si elles nous indiquaient justement le chemin de la guérison?

Je me souviens de ma surprise et de mon incompréhension quand j’ai appris que le deuil était un besoin humain, au même titre que la liberté, la joie, la célébration. Comment pouvait-on avoir « besoin » de ce qui semble si douloureux, si désespérant, sur quoi on n’a aucun pouvoir. La peine, le désespoir, ça semblait plutôt quelque chose d’inévitable, à quoi on doit se résigner; une traversée souvent longue, toujours difficile. Le temps semblait le meilleur, sinon le seul remède.

 

À ce moment-là, j’accompagnais déjà des personnes en fin de vie ou en deuil. Des gens en deuil de leur propre vie, de leur santé, en deuil d’un être proche, en deuil de tout ce qui ne serait plus. Pour beaucoup, cette étape était pénible, et même insupportable. D’ailleurs, peu de leurs proches avaient autre chose à leur offrir que des distractions, des encouragements à « ne pas se laisser aller », à « être courageux », tant le malaise était grand. N’est-ce pas ce que nous avons tous appris:
« aider », c’est consoler, conseiller, trouver des solutions!

Les endeuillés eux-mêmes cherchaient des façons de ne pas souffrir, de ne pas ressentir toutes ces sensations, ces sentiments si insupportables. Ils traitaient les émotions comme des ennemies…

 

Pourtant, certains vivaient des transformations, une sorte d’alchimie qui changeait la souffrance en paix. Ça semblait se produire plus facilement quand la personne avait accueilli pleinement sa tristesse, assumé sa colère, plongé dans sa peur. Dans les cercles de deuil que j’animais, mon intention était d’abord de créer un contenant sûr et serein qui permette justement à la douleur d’être déposée et reçue avec bienveillance. Et moins je tentais de consoler, de rassurer, de trouver des solutions, plus les personnes sentaient la « permission » d’exprimer et de ressentir toutes les émotions que leur faisait vivre leur situation. Souvent, ça les mettait en contact avec ce qui comptait vraiment pour elles, ce qui semblait les apaiser et les réconcilier avec leur réalité.

Cette conscience des besoins, de leur beauté, avait donné à leur expérience tout leur sens. Quelle clarté: les sentiments sont un signe que quelque chose d’important en nous veut être entendu, vu, accueilli, un besoin profond à honorer, un élan vital à nourrir! Les émotions difficiles ne sont pas une nuisance dont on doit se débarrasser, ce sont des signaux qui nous invitent à prendre soin de ce qui est vrai et vivant en nous. Les endeuillés qui ont l’espace et la sécurité nécessaires pour vivre librement leurs émotions et qui peuvent se relier à la beauté de leurs besoins font le plus souvent l’expérience de cette alchimie qui permet le deuil véritable, qui transforme parfois même la détresse en célébration.

 

Bien sûr, nous ne vivons pas que les deuils reliés à la mort. Perte d’emploi, rupture, maladie, deuils minuscules, deuils immenses, le même processus s’offre à nous. Accueillir avec une curiosité bienveillante ce qui se passe à l’intérieur de nous, embrasser et ressentir nos émotions, nous relier à nos besoins et à nos élans de vie, explorer les choix qui s’offrent à nous, belle recette pour la paix intérieure et la liberté!

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